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Conquérant. C’était, comme le remarque judicieusement alors un des amis mêmes du poëte, « une œuvre enfantée dans une colère factice, avec le souvenir de la Messiade et des prophètes de l’Ancien Testament, une œuvre pleine d’une fureur impétueuse, d’une ardeur sauvage, mais pleine aussi d’exagération, d’enflure et de non-sens. » Le passage suivant suffit pour en donner une idée :

« C’est toi, ô conquérant ! qui fais frémir mon sein. Ma poitrine s’enfle pour prononcer sur toi une parole ardente de vengeance, pour te maudire à la face du monde et à la face de l’Éternel. Quand la lune poursuit sa marche silencieuse, quand les étoiles brillent dans l’ombre, ton image, ô vainqueur, m’apparaît dans mes rêves, et cette image m’épouvante. Je me lève avec fureur, je frappe la terre, je prononce avec gémissement ton nom, ô réprouvé ! je le fais retentir dans les ténèbres de la nuit. »

Le poëte qui plus tard devait mettre dans ses œuvres tant de verve, et ouvrir à sa pensée un si large espace, procédait péniblement à ses premiers essais. Enfermé dès son enfance dans une école, isolé du monde, dépourvu de toute expérience, ce n’était point dans ses propres émotions,