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il promit à Dieu, s’il la lui conservait, d’aller à pied et la tête nue l’en remercier à la Sainte-Baume. On sait comment il ressentit la mort cruelle de son fils, et s’il a mis tant de pathétique dans les stances à Duperrier, c’est que, en les écrivant, il croyait sans doute pleurer encore sa jeune fille, morte de la peste entre ses bras.

Au mois de juin 1586, un événement tragique lui enleva son protecteur. Un gentilhomme italien, d’autres disent marseillais, nommé Philippe Altoviti, capitaine de galère, avait écrit en cour contre le fils de Henri II. Ce dernier le sut, et s’en plaignit violemment. L’Italien nia le fait. Le prince irrité tira son épée et l’en frappa. Altoviti tomba sur ses deux genoux, et mourut aux pieds du grand-prieur, mais non sans lui porter au ventre un coup de dague dont il mourut lui-même, sept heures après. Un fils illégitime de Charles IX hérita de tous les biens et de tous les honneurs du bâtard de Henri II. C’était alors, à ce qu’il semble, le sort de la Provence.

Cependant Malherbe s’était fait une famille de celle de sa femme ; on peut le croire du moins en le voyant rester en Provence, au lieu de revenir en Normandie. Il suivit quelque temps le parti des armes, et Racan nous a conservé quelques traits de sa vie militaire.

Pendant la Ligue, un jour qu’il se trouvait à la tête d’un corps de troupes avec un nommé Larroque, poète comme lui, et plus tard atlaché au service de la reine Marguerite, ils poussèrent si vertement Sully, qu’ils le firent reculer lui et les siens l’espace de deux ou trois lieues. Malherbe aimait à raconter que Sully ne le lui avait jamais pardonné. Mais il s’en consolait sans doute en songeant que deux poètes avaient mené le hautain ministre de manière à lui ôter à jamais le droit de parler du bouclier d’Horace.

Quelque temps après, la peste s’étant déclarée à Martigues, les Espagnols bloquèrent la ville par mer, et les Provençaux envoyèrent deux cents des leurs pour la tenir fermée du côté de la terre. Malherbe, choisi pour