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POÉSIES.


Mais le coq a chanté pendant que je m’arrête
À l’ombre des lauriers qui t’embrassent la tête,
Et la source déja commençant à s’ouvrir,
A lâché les ruisseaux qui font bruire leur trace,
Entre tant de malheurs estimant une grace,
Qu’un Monarque si grand les regarde courir.

Ce miracle d’amour, ce courage invincible,
Qui n’espéroit jamais une chose possible
Que rien finît sa foi que le même trépas,
De vaillant fait couard, de fidèle fait traître,
Aux portes de la peur abandonne son maître,
Et jure impudemment qu’il ne le connoît pas.

À peine la parole avoit quitté sa bouche,
Qu’un regret aussi prompt en son ame le touche ;
Et mesurant sa faute à la peine d’autrui,
Voulant faire beaucoup, il ne peut davantage
Que soupirer tout bas, et se mettre au visage
Sur le feu de sa honte une cendre d’ennui.

Les arcs qui de plus près sa poitrine joignirent,
Les traits qui plus avant dans le sein l’atteignirent,
Ce fut quand du Sauveur il se vit regardé ;
Les yeux furent les arcs, les œillades les flèches
Qui percèrent son ame, et remplirent de brèches
Le rempart qu’il avoit si lâchement gardé.

Cet assaut, comparable à l’éclat d’une foudre,
Pousse et jette d’un coup ses défenses en poudre ;