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Deux feuillets du volume présentent une certaine réunion de taches d’encre qui ont atteint une assez grande partie de ces quatre pages, et qui sont évidemment le résultat d’un seul accident. Sur la marge de la première page André Chénier a écrit :

« J’ai prêté, il y a quelques mois, ce livre à un homme qui l’avait vu sur ma table et me l’avait demandé instamment. Il vient de me le rendre (en 1781) en me faisant mille excuses. Je suis certain qu’il ne l’a pas lu. Le seul usage qu’il en ait fait a été d’y renverser son écritoire, peut-être pour me montrer que lui aussi il sait commenter et couvrir les marges d’encre. Que le bon Dieu lui pardonne, et lui ôte à jamais l’envie de me demander des livres. »

Les deux mots soulignés l’ont été par André Chénier. J’ai dit tout à l’heure et je trouve, en effet, madame, que la fin surtout de cette note n’a pas la gravité des observations littéraires qu’on lit sur les marges de ce volume. Elle sent un peu trop, ce me semble, le jeune étudiant contrarié. Mais faut-il pourtant vous le dire ? eh bien ! cette note-là même, ayant par sa nature quelque chose de plus personnel à celui qui les a toutes faites, rappelant ainsi plus vivement son individualité que celles où l’on oublie naturellement l’annotateur pour s’occuper de l’objet de ses réflexions, a excité plus d’une fois mon attention particulière ; plus d’une fois, considérant les traces de la maladresse qui excitait l’indignation d’André Chénier, je me suis surpris ne souhaitant point que son ami eût été plus soigneux.... Cet aveu fait, je termine brusquement ici ma lettre ; car si je m’appesantissais trop long-temps sur la majesté de cette superbe tache d’encre, je pourrais bien me faire appliquer avec justice, sinon par vous, madame, par quel-