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mander à Dieu, s’écria-t-il, après qu’il a délivré la France du maréchal d’Ancre ? »

Il ne traita pas mieux le duc de Luynes ; au moins ne fallait-il pas lui offrir en termes si magnifiques la traduction d’un livre retrouvé de Tite-Live.

Jeté au milieu d’une cour galante, et ayant, lui aussi, sa cour, qu’il rudoyait à la Henri IV, il voulut, comme le roi, avoir des maîtresses. Il ne portait d’ailleurs dans l’amour ni délicatesse, ni poésie ; et s’il enviait quelque chose au vieux duc de Bellegarde, ce n’était pas, disait-il, sa duché-pairie. Ses mots les plus gracieux, en fait de galanterie, ont un arrière-goût de volupté sensuelle : « Dieu, disait-il, qui s’est repenti d’avoir fait l’homme, ne s’est jamais repenti d’avoir fait la femme. » Il a écrit quelque part : « Il est malaisé que je n’aye dit devant vous ce que j’ay dit en toutes les bonnes compagnies de la cour, que je ne trouvois que deux belles choses au monde, les femmes et les roses ; et deux bons morceaux, les femmes et les melons. » Voici un mot qui a plus de délicatesse, c’est Tallemant qui le rapporte :

Il était allé rendre visite à madame de Rambouillet. Ne l’ayant pas trouvée, il s’arrêta un moment à causer avec une jeune fille qui se trouvait là par hasard. Je ne sais comment il arriva qu’un coup de mousquet ayant été tiré du dehors, la balle passa près de Malherbe. Le lendemain, madame de Rambouillet lui fit quelque compliment à ce sujet : « Je voudrais, répondit-il, avoir reçu la balle ; je suis vieux, j’ai assez vécu ; et puis on m’eût peut-être fait l’honneur de croire que M. de Rambouillet l’aurait fait faire. » Ce fut lui qui donna à la marquise ce fameux surnom d’Artémise. Qui eût dit cependant que Malherbe serait le parrain de tout l’hôtel de Rambouillet ?

Cette réunion se formait dès cette époque. Malherbe y parut rarement. Ce dut être une chose piquante que le spectacle du vieux Malherbe assistant à la naissance