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LIVRE III.

  Il fait chaud ; mais un feuillage sombre
  Loin du bruit nous fournira quelque ombre
Où nous ferons, parmi les violettes,
Mépris de l’ambre et de ses cassolettes.

  Pres de nous, sur les branches voisines
  Des genêts, des houx et des épines,
Le rossignol déployant ses merveilles,
Jusqu’aux rochers donnera des oreilles.

  Et peut-être, à travers les fougères,
  Verrons-nous de bergers à bergères,
Sein contre sein et bouche contre bouche,
Naitre et finir quelque douce escarmouche.

  C’est chez eux qu’Amour est à son aise ;
  Il y saute, il y danse, il y baise,
Et foule aux pieds les contraintes serviles
De tant de lois qui le gênent aux villes.

  O qu’un jour mon ame auroit de gloire
  D’obtenir cette heureuse victoire,
Si la pitié de mes peines passées
Vous disposoit à semblables pensées !

  Votre honneur, le plus vain des idoles,
  Vous remplit de mensonges frivoles ;
Mais quel esprit que la raison conseille,
S’il est aimé, ne rend point la pareille ?