Page:Poésies de Malherbe.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autorité constitutionnelle du génie. L’œuvre linguistique de Malherbe n’est pas un ensemble de lois et d’ordonnances, et à ceux qui lui conseillaient d’écrire une grammaire, il répondait fièrement qu’on n’avait qu’à lire sa traduction du trente-troisième livre de Tite-Live. Ses oracles se formulaient au hasard, selon le moment, en critiques ou en conseils, le plus souvent en brusques saillies et en bons mots. Lui demandait-on son avis sur la légitimité de quelque mot, il renvoyait aux crocheteurs du Port-au-Foin. À part le tour comique du conseil, Malherbe, par cette boutade, ne traçait-il pas nettement à la langue, qui pliait sous le poids des stériles conquêtes de Ronsard, la voie toute nationale qu’elle devait suivre ? N’était-ce pas aussi la défendre des funestes importations du pédantisme que de proscrire les vers latins dont les érudits de l’époque inondaient le Parnasse, comme on dit ? — « Ah ! disait souvent Malherbe, si Virgile et Horace revenaient, comme ils donneraient le fouet à Bourbon et à Sirmond ! » Ne croyez pas cependant qu’il eût les anciens en grande vénération. L’inspiration pindarique n’était pour lui que du galimatias. Ronsard lui avait gâté Pindare, et je crois, Dieu me pardonne ! que son dédain pour les vers latins atteignait Virgile lui-même, derrière Sirmond. Stace lui plaisait mieux. Il s’indignait de s’entendre objecter sans cesse les vieilles renommées. Si on lui reprochait d’avoir altéré le sens de quelque passage de David : « Suis-je donc, répondait-il, le valet de David ? J’ai bien fait parler le bonhomme autrement qu’il n’avait fait. » Son mépris pour l’érudition allait jusqu’à la moquerie. « M. Gaumin a retrouvé la langue punique, lui dit quelqu’un un matin, et il a traduit le Pater en carthaginois. — Le Pater ! dit Malherbe, eh bien ! voici le Credo ; » et il se mit à proférer des mots sans suite.

« Lisez les livres imprimés, disait-il encore à Chapelain, et ne dites rien de ce qu’ils disent. » Il y a dans