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émoi les poètes de la Provence. De tous les chants qu’elle inspira, un seul nous est venu, ces admirables stances de Malherbe. Voici plus de deux siècles que les étrangers vont visiter à Aix la maison, encore debout, où Marguerite Duperrier ne vécut que l’espace d’un matin, ce que vivent les rosés !

L’année suivante, 1600, Marie de Médicis vint régner en France. Duperrier se souvint alors de celui qui avait fait ses larmes immortelles ; il présenta son ami à la jeune reine, et celui-ci célébra la bienvenue de Marie par de magnifiques strophes, desquelles date, il faut le dire, le véritable avènement de notre poésie lyrique. Toute la France du midi s’émut en écoutant cette langue déjà plus française qu’elle-même.

Le nom de Malherbe était grand de ce côté, mais il était encore inconnu à la France du nord : elle vint d’elle-même au-devant de sa renommée. Dans un voyage que Henri IV fit à Lyon, il demanda au cardinal Duperron s’il ne faisait plus de vers. Le cardinal répondit qu’il ne fallait point que personne s’en mêlât après un certain gentilhomme de Normandie, habitué en Provence.

Ce gentilhomme, c’était Malherbe.

Comment Henri IV ignorait-il encore le nom de celui qui, dès 1596, lui avait adressé, sur la prise de Marseille, une ode animée certes d’une tout autre inspiration que les vers chantés à Paris ? Peut-être à cette époque la rancune de Sully empècha-t-elle le nom du poète d’arriver aux oreilles de Henri IV. Malherbe d’ailleurs ne venait que rarement à Paris, et seulement lorsque ses affaires l’y appelaient. Ces affaires, c’était un procès qu’il eut avec son frère, et qui dura toute sa vie. Comme on le lui reprochait un jour : « Et avec qui voulez-vous que je plaide ? » répondit-il ; « avec les Turcs et les Moscovites ? Je n’ai rien à partager avec eux. » Molière, qui prenait son bien partout, a pourtant oublié ce mot-là.

Cette fois Henri IV retint le nom de Malherbe. Il en