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Et deux fois le printemps l’a repeinte de fleurs,
Sans que d’aucun discours sa douleur se console,
Et que ni la raison ni le temps qui s’envole
      Puisse faire tarir ses pleurs.

Le silence des nuits, l’horreur des cimetières,
De son contentement sont les seules matières ;
Tout ce qui plaît déplaît à son triste penser ;
Et si tous ses appas sont encore en sa face,
C’est que l’Amour y loge, et que rien qu’elle fasse
      N’est capable de l’en chasser.

Mais quoi ! c’est un chef-d’œuvre où tout mérite abonde,
Un miracle du ciel, une perle du monde,
Un esprit adorable à tous autres esprits ;
Et nous sommes ingrats d’une telle aventure,
Si nous ne confessons que jamais la nature
      N’a rien fait de semblable prix.

J’ai vu maintes beautés à la cour adorées,
Qui des vœux des amants à l’envi désirées,
Aux plus audacieux ôtoient la liberté :
Mais de les approcher d’une chose si rare,
C’est vouloir que la rose au pavot se compare,
      Et le nuage à la clarté.

Celle à qui dans mes vers, sous le nom de Nérée,
J’allois bâtir un temple éternel en durée,
Si sa déloyauté ne l’avoit abattu,
Lui peut bien ressembler du front ou de la joue :