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POÉSIES

ÉLÉGIE.

Généreux Licidas, ami sage et fidèle,
Dont l’esprit est si fort, de qui l’âme est si belle ;
Vous de qui la raison ne fait plus de faux pas,
Ah ! qu’il vous est aisé de dire n’aimez pas !
Quand on connaît l’Amour, ses caprices, ses peines ;
Quand on sait comme vous ce que pèsent ses chaînes.
Sage par ses malheurs, on méprise aisément
Les douceurs dont il flatte un trop crédule amant.
Mais quand on n’a pas fait la triste expérience
Des jalouses fureurs, des dépits, de l’absence ;
Que, pour faire sentir ses redoutables feux,
Il ne paraît suivi que des ris et des jeux ;
Qu’un cœur résiste mal à son pouvoir suprême !
Que de soins, que d’efforts pour empêcher qu’il n’aime !
Je sais ce qu’il en coûte, et peut-être jamais
L’Amour n’a contre un cœur émoussé tant de traits.
Insensible au plaisir, insensible à la gloire
Que promet le succès d’une illustre victoire,
Je ne suis point encor tombée en ces erreurs
Qui donnent de vrais maux pour de fausses douceurs :