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DIVERSES

Pour elle seulement résonnent ses pipeaux ;
Et loin de se lasser des faveurs qu’il a d’elle,
Sa tendresse en reprend une force nouvelle.

Bocages de leurs feux uniques confidens,
Bocages que je hais, vous savez si je mens :
Depuis que les beaux jours, à moi seule funestes,
D’un long et triste hiver eurent chassé les restes,
Jusqu’à l’heureux débris de vos frêles beautés,
Quels jours ont-ils passés dans ces lieux écartés ?
Que n’y reprochiez-vous à l’ingrat que j’adore,
Que, malgré ses froideurs, hélas ! je l’aime encore !
Que ne lui peigniez-vous ces mouvemens confus,
Ces tourmens, ces transports que vous avez tant vus ?
Que ne lui disiez-vous, pour tenter sa tendresse,
Que je sais mieux aimer que lui, que sa maîtresse ?
Mais ma raison s’égare : ah ! quels soins, quels secours
Dois-je attendre de vous qui servez leurs amours ?
Les dieux à mes malheurs seront plus secourables ;
L’hiver aura pour moi des rigueurs favorables.
Il approche, et déjà les fougueux aquilons
Par leur souffle glacé désolent nos vallons.
La neige, qui bientôt couvrira la prairie,
Retiendra les troupeaux dans chaque bergerie ;
Et l’on ne verra plus sous votre ombrage assis,
Ni l’heureuse Daphné, ni l’amoureux Tircis.