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DIVERSES

Pour la possession d’un champ ou d’un verger,
N’ont point ensemble de querelle ;
Nul bien ne leur est étranger :
Nul n’exerce sur l’autre un pouvoir tyrannique :
Ils ne se doivent point de respects ni de soins ;
Ce n’est que par les nœuds de l’amour qu’ils sont joints ;
Et d’aïeux éclatans pas un d’eux ne se pique.
Hélas ! pourquoi faut-il qu’à ces sauvages lieux
Soient réservés des biens si doux, si précieux !
Pourquoi n’y voit-on point d’avare, de parjure ?
N’est-ce point qu’entre vous, tranquilles animaux,
Tous les biens sont communs, tous les rangs sont égaux,
Et que vous ne suivez que la seule nature ?
Elle est sage chez vous, qui n’êtes point contraints
Par une loi bizarre et dure.
Quelle erreur a pu faire appeler les humains
Le chef-d’œuvre accompli de ses savantes mains ?
Que, pour se détromper de ces fausses chimères
Qui nous rendent si fiers, si vains,
On vienne méditer dans ces lieux solitaires,
Avec étonnement j’y vois
Que le plus petit des reptiles,
Cent fois plus habile que moi,
Trouve pour tous ses maux des remèdes utiles.
Qui de nous, dans le temps de la prospérité,