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DIVERSES

Hélas ! ces prés sans fleurs, ces arbres sans feuillages,
Ces ruisseaux glacés, tout nous dit :
Le temps fera chez vous de semblables ravages.
Comme la terre, nous gardons
Jusques au milieu de l’automne
Quelques-uns des appas que le printemps nous donne :
L’hiver vient-il, nous les perdons.
Pouvoir, trésors, grandeurs n’en exemptent personne :
On se déguise en vain ces tristes vérités ;
Les terreurs, les infirmités,
De la froide vieillesse ordinaires compagnes,
Font sur nous ce que font les autans irrités,
Et la neige sur les campagnes.
Encor si, comme les hivers
Dépouillent les forêts de leurs feuillages verts,
L’âge nous dépouillait des passions cruelles,
Plus fortes à dompter que ne le sont les flots,
Nous goûterions un doux repos
Qu’on ne peut trouver avec elles.
Mais nous avons beau voir détruire par le temps
La plus forte santé, les plus vifs agrémens,
Nous conservons toujours nos premières faiblesses.
L’ambitieux, courbé sous le fardeau des ans,
De la fortune encore écoute les promesses ;
L’avare, en expirant, regrette moins le jour