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POÉSIES

Daphné, vous ne savez à quoi vous m’engagez.
Peut-être croyez-vous que, toujours insensible,
Je vous décrirai dans mes vers,
Entre de hauts rochers dont l’aspect est terrible,
Des prés toujours fleuris, des arbres toujours verts
Une source orgueilleuse et pure,
Dont l’eau, sur cent rochers divers,
D’une mousse verte couverts,
S’épanche, bouillonne, murmure ;
Des agneaux bondissans sur la tendre verdure,
Et de leurs conducteurs les rustiques concerts.
De ce fameux désert la beauté surprenante,
Que la nature seule a pris soin de former,
Amusait autrefois mon âme indifférente.
Combien de fois, hélas ! m’a-t-elle su charmer !
Cet heureux temps n’est plus : languissante, attendrie,
Je regarde indifféremment
Les plus brillantes eaux, la plus verte prairie ;
Et du soin de ma bergerie
Je ne fais même plus mon divertissement.
Je passe tout le jour dans une rêverie
Qu’on dit qui m’empoisonnera.
À tout autre plaisir mon esprit se refuse ;
Et si vous me forcez à parler de Vaucluse,
Mon cœur tout seul en parlera.