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POÉSIES

Qu’après qu’un froid nuage aura couvert nos yeux,
Rien de lâche, rien d’odieux
Ne souillera notre mémoire ;
Que, regrettés par nos amis,
Dans leurs cœurs nous vivrons encore.
Pour un tel avenir tous les soins sont permis :
C’est par cet endroit seul que l’amour-propre honore ;
Il faut laisser le reste entre les mains du sort.
Quand le mérite est vrai, mille fameux exemples
Ont fait voir que le temps ne lui fait point de tort.
On refuse aux vivans des temples
Qu’on leur élève après leur mort.
Quoi ! l’homme, ce chef-d’œuvre à qui rien n’est semblable,
Quoi ! l’homme pour qui seul on forma l’univers,
Lui dont l’œil a percé le voile impénétrable
Dont les arrangemens et les ressorts divers
De la nature sont couverts ;
Lui, des lois et des arts l’inventeur admirable,
Aveugle pour lui seul, ne peut-il discerner,
Quand il n’est question que de se gouverner,
Le faux bien du bien véritable ?

Vaine réflexion ! inutile discours !
L’homme, malgré votre secours,
Du frivole avenir sera toujours la dupe ;