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POÉSIES DE BURNS.


ÉLÉGIE DE LA PAUVRE MAILIE.


Lamentez-vous en vers, lamentez-vous en prose,
Avec des pleurs salés ruisselant sur votre nez !
La destinée de votre barde touche à son terme,
       Il n’y a plus de remède ;
Dernière triste clef de voûte de ses malheurs,
       La pauvre Mailie est morte !

Ce n’est pas la perte de tout l’avoir du monde
Qui pourrait arracher des pleurs si amers,
Ou faire porter à notre barde, accablé de chagrin,
       Des vêtements de deuil :
Il a perdu une amie et voisine chérie
       En Mailie qui est morte.

Dans tout le hameau elle trottait à côté de lui,
Elle le reconnaissait à un long demi-mille de distance ;
Avec un bêlement affectueux, quand elle l’apercevait,
       Elle accourait en toute hâte ;
Jamais ami plus fidèle ne l’avait approché
       Que Mailie qui est morte.

Je sais que c’était une brebis de sens,
Et qu’elle se conduisait avec décence :
Je dois le dire, elle n’a jamais brisé de clôture,
       Poussée au vol par la gourmandise.
Notre barde, solitaire, reste au parloir
       Depuis que Mailie est morte.

Ou s’il erre dans la vallée,
Sa vivante image dans sa petite brebis
Vient à lui bélant par-dessus la butte
       Pour avoir des petits morceaux de pain.
Et à terre roulent les perles salées
       Pour Mailie qui est morte.

Ce n’était point une enfant des béliers de landes
À la toison emmêlée, aux hanches velues ;
Car ses ancêtres avaient été apportés sur des vaisseaux
       De par delà la Tweed :
Il n’y eut jamais entre les ciseaux une plus belle toison
       Que celle de la pauvre Mailie qui est morte

Malheur à l’homme qui le premier façonna
Cette indigne et funeste chose — une corde !
Elle fait grimacer et bâiller de braves gens