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POÉSIES DE BURNS.

Tourna à gauche de la taverne de Simpson[1]
{Soit qu’il fût poussé par le Destin qui dirige tout,
Pour ètre témoin de ee que je raconterai ci-après ;
Soit qu’absorlé dans une méditation profonde,
Il errât sans savoir où ni pourquoi) :
La cloche du donjon endormi avait frappé deux heures,
Et la tour de Wallace[2] avait juré que le fait était vrai ;
Le Forth, gonflé par la marée, venait se briser sur la rive,
Troublant de sa voix triste ct enrouée le calme de la nuit ;
Tout le reste était paisible comme l’œil clos de la nature ;
La lune silencieuse brillait du haut des cieux sur la tour et sur l’arbre ;
La gelée frileuse sous le rayon d’argent
Coulait, en croûte légère, sur le fleuve étincelant.
      Quand voici que des deux côtés du barde qui écoute,
Un battement mesuré d’ailes sifflantes se fait entendre ;
Deux formes sombres fendent l’air nocturne,
Rapides comme le faucon fondant sur le lièvre qui tourne ;
L’une dresse sa fisure aérienne sur le vieux pont,
L’autre voltige au-dessus des jetées qui s’élèvent :
Notre sorcier de rimeur à l’instant reconnut
Les esprits qui président aux ponts d’Ayr.
(Que les bardes soient doués de la seconde vue,
Et qu’ils sachent la langue des êtres surnaturels, ce n’est pas une plaisanterie ;
Fées, follets, lutins, ils peuvent tout expliquer,
Et jusqu’aux diables eux-mêmes, ils les connaissent très-bien.)
Le vieux pont avait l’air d’être de l’ancienne race picte,
Il avait les vraies rides gothiques sur la face :
Il semblait avoir soutenu une longue lutte contre le temps ;
Mais, dur et robuste, il avait merveilleusement résisté.
Le nouveau pont était vêtu d’un bel habit neuf,
Qu’il avait eu à Londres d’un nommé Adams ;
À sa main étaient cinq flambeaux aussi unis qu’un grain de chapelet
Avec des cercles et des fanfreluches en haut.
Le Goth allait et venait d’un air inquiet,
Examinant les crevasses faites par le temps dans chacune des arches ;
Il arriva que le nouveau venu, son voisin, attira son attention,
Et même son cœur en fut contrarié et mécontent !
Avec un aigre ricanement de le voir mis à la mode,
Il lui donna, en aval, ce bonsoir : —

LE VIEUX PONT.


Je ne doute pas, l’ami, que vous ne vous croyiez grand’chose,
Unc fois que vous aurez été jeté d’un bord à l’autre :
Mais avant que vous ne soyez un pont aussi vieux que moi,
Quoique, ma foi ! je doute que vous voyiez jamais ce jour-là,

  1. Fameuse taverne au bout du vieux pont.
  2. Les deux clochers.