Et parfois quelques sous d’ale
Les rendent tout à fait heureux.
Ils déposent leurs soucis particuliers,
Pour s’occuper des affaires de l’Église et de l’État :
Ils parleront du patronage et des prêtres,
Le sein enfammé de fureur,
Ou diront quelle nouvelle taxe on va mettre,
Et s’étonneront des gens de Londres.
Quand revient la veille de la Toussaint
Avec sa face blême, ils ont les joyeux et bruyants soupers
Où la société champêtre de tous les étages
Se réunit pour se récréer en commun ;
L’Amour cligne l’œil, l’Esprit donne des coups de poing, et la Gaieté sociable
Oublie que le Souci existe sur la terre.
Le joyeux jour où l’année commence,
On ferme la porte aux vents glacés ;
L’ale fume sous sa mousse écumante,
Et répand une vapeur qui inspire le cœur ;
La pipe et la grosse tabatière
Se passent de main en main avec une obligeance parfaite ;
Les vieux causant avec enjouement,
Les jeunes faisant les cent coups dans la maison ; —
Mon cœur a été si heureux de les voir,
Que de joie j’ai aboyé avec eux.
Pourtant, ce que vous avez dit n’est que trop vrai,
Pareil jeu ne se joue que trop souvent.
Il y a quantité de gens estimables,
Décents, honnêtes, convenables,
Qui sont arrachés, branches et racines,
Pour assouvir la gloutonnerie de quelque orgueilleux coquin,
Qui croit s’ancrer mieux
Dans la faveur de quelque bon maître,
Qui peut-être va au parlement,
Dévouant son âme au bien de la Grande-Bretagne. —
Eh ! mon garçon, vous n’êtes guère au fait ;
Au bien de la Grande-Bretagne ! bon Dieu !
Si vous disiez plutôt : allant où les premiers ministres le conduisent,
Et disant tous les oui ou les non qu’ils lui dictent ;
S’étalant aux opéras et aux théâtres,
Empruntant, jouant, se masquant ;
Ou peut-être bien, dans un joyeux caprice,
Il pousse jusqu’à La Haye ou Calais,
Pour faire un tour, une excursion,
Apprendre le bon ton et voir le monde.
Là, à Vienne ou à Versailles,
Il fait force brèches aux vieilles économies de son père :