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xxxiv
NOTICE SUR BURNS

JEAN GRAIN-D’ORGE,
BALLADE.

Il était une fois trois rois
À l’Orient, puissants tous trois :
Ils avaient juré par la gorge
Qu’ils feraient mourir Jean Grain-d’Orge.

Dans un sillon bien labouré,
Tout vivant, ils l’ont enterré ;
Puis ils ont juré par la gorge
Qu’ils avaient tué Jean Grain-d’Orge.

Mais le printemps revient joyeux,
La pluie à flots tombe des cieux :
Jean Grain-d’Orge alors se relève ;
C’est bien lui ! ce n’est point un rêve !

Les soleils étouffants d’été
Lui rendent vigueur et santé ;
Sa tête de dards se couronne :
Grain-d’Orge ne craint plus personne.

Le grave Automne succédant,
Grain-d’Orge palit cependant ;
Son corps se courbe vers la terre,
Sa tête penche ; il dégénère.

Ses couleurs se fanent ; hélas !
C’est l’âge qui vient à grands pas !
Ses ennemis prennent courage,
Ils vont donc assouvir leur rage.

Aiguisant un long coutelas,
D’un seul coup ils l’ont mis à bas,
Et lié sur une charrette
Comme un faussaire qu’on arrête.

Sur le dos il est renversé,
Il est bâtonné, fracassé ;
Puis à tous les vents on l’expose,
Tournant, tournant sans nulle pause.

Pauvre Grain-d’Orge ! il faut les voir
Remplir d’eau froide un grand trou noir,
Et, sans nul respect de son âge,
L’y jeter — enfonce ou surnage !