À l’époque où naquit Burns, l’Écosse était un terrain singulièrement propre à cette précieuse culture. La poésie a besoin d’un climat tempéré, entre le soleil dévorant de la civilisation et l’ombre glaciale de la barbarie. Dans le premier cas, on exprime ce qu’on ne sent pas ; dans le second, on ne sait pas exprimer ce qu’on sent. Grâce à une loi rendue par le parlement d’Écosse en 1646, mais qui, révoquée par Charles II, ne reçut d’exécution qu’après la révolution de 1696, les campagnes de l’Écosse se trouvaient précisément dans ce mezzo termine. Cette loi, qui ordonnait l’établissement d’une école dans chacune des paroisses du royaume, eut des résultats rapides et satisfaisants. L’église presbytérienne, qui avait usé de son pouvoir sur des esprits dévots jusqu’au fanatisme pour donner à l’enseignement une direction religieuse, devint, par son succès même, la protectrice naturelle de l’école. Elle en soutint le maître, qui bien souvent était quelque jeune homme se destinant à entrer dans les ordres, et utilisant ainsi les loisirs d’une candidature qui est fort longue dans ce pays. Toutes ces âmes pieuses regardèrent comme un devoir d’envoyer leurs enfants à des lecons recommandées par le ministre de la paroisse ; et depuis cette époque, non-seulement beaucoup de fermiers, mais jusqu’à de simples paysans, s’astreignirent à de grandes privations pour donner à un de leurs fils, au moins, les avantages précaires d’une éducation libérale.
Si l’on pouvait douter de l’immense influence de l’instruction primaire sur la morale publique, on n’aurait qu’à comparer le relevé des trente années de 1767 à 1797, qui constate que les exécutions en Écosse ne s’élevaient pas à six par année, avec le tableau fait cent ans auparavant par Fletcher de Saltoun, où il avoue qu’il n’y a pas en Écosse moins de cent mille vagabonds, qui, sans égard non-seulement aux lois du pays, mais à celles de Dieu et de la nature, vivent dans une promis-