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NOTICE SUR BURNS

le public ; et de plus, tous frais déduits, j’empochai près de vingt livres sterling. Cette somme vint fort à propos ; car, n’ayant pas d’argent pour mon passage, il m’aurait fallu payer de ma personne. Sitôt que je fus maître de neuf guinées, prix de mon transport à la zone torride, je retins ma place sur le premier vaisseau qui devait partir de la Clyde ; car


La ruine et la faim m’avaient pris dans leur vent.

Depuis quelques jours, j’errais de cachette en cachette, sous les terreurs d’un emprisonnement, des gens malintentionnés ayant lâché sur mes talons les meutes impitoyables de la justice. Mes adieux étaient faits au peu d’amis que j’avais ; ma malle était sur la route de Greenock, j’avais composé le dernier chant que je comptais écrire en Calédonie, — « Les ténèbres de la nuit s’amassent avec vitesse, » — lorsqu’une lettre du docteur Blacklock à un de mes amis renversa tous mes plans, en ouvrant une nouvelle route à mon ambition poétique. Le docteur faisait partie d’une société de critiques dont je n’osais espérer l’approbation. Son avis, que je trouverais à Édimbourg des encouragements pour une seconde édition, m’enflamma tellement, que je partis pour cette ville sans une seule connaissance, sans une seule lettre d’introduction. L’étoile funeste qui avait si long-temps répandu son influence desséchante dans mon zénith, fit pour cette fois une révolution vers le nadir ; et une Providence bienveillante me plaça sous le patronage d’un homme des plus honorables, le comte de Glaincairn. Oublie-moi, grand Dieu, si jamais je l’oublie !

» Je n’irai pas plus loin. À Édimbourg j’étais dans un monde nouveau. Je me mêlai à plusieurs classes d’hommes presque nouvelles pour moi, et j’étais tout attention à saisir leurs caractères et leurs mœurs. Si j’ai profité, le temps le montrera. »