fut l’amitié que je formai avec un jeune garçon, noble caractère, mais le fils chéri du malheur. Son père était un simple artisan ; mais un homme considérable du voisinage, l’ayant pris en amitié, lui donna une éducation libérale, dans l’idée d’améliorer sa situation dans la vie. Malheureusement son patron mourut tout juste lorsqu’il était en état de le lancer dans le monde, et le pauvre diable, au désespoir, prit le parti de s’embarquer. Après plusieurs vicissitudes de fortune, un peu avant notre liaison, il avait été abandonné, sur la côte sauvage de Connaught, par un armaleur américain qui l’avait entièrement dépouillé…
» Indépendance, magnanimité, il était doué de toutes les vertus d’un homme. Je l’aimais et l’admirais jusqu’à l’enthousiasme, et par conséquent je m’efforçais de l’imiter. J’y réussis jusqu’à un certain point. Auparavant j’avais de l’orgueil, mais il le dirigea dans une voie convenable. Sa connaissance du monde était de beaucoup supérieure à la mienne, et j’étais tout attention pour m’instruire. C’est le seul homme que j’aie trouvé plus fou que moi lorsqu’une femme était son étoile ; mais il parlait d’amour illicite avec la légèreté d’un marin, ce que jusque-là j’avais regardé avec horreur. Ici l’amitié me rendit un mauvais service ; et la conséquence fut que, peu de temps après que je repris la charrue, j’écrivis la Bienvenue du poète[1]. Dans cette ville, ma lecture ne s’accrut que de deux volumes dépareillés de Paméla, et d’un de Ferdinand comte Fathom, qui me donna une idée des romans. Sauf quelques pièces religieuses qui ont été imprimées, j’avais abandonné la poésie ; mais, ayant rencontré les poèmes écossais de Fergusson, je fis de nouveau résonner les cordes sauvages de ma lyre avec la vigueur de l’émulation. Quand mon père mourut, tout son bien fut la proie des chiens
- ↑ Intitulée depuis : Bienvenue de Rob le Rimeur à son enfant bâtard.