Page:Poésies complètes de Robert Burns, 1843.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xi
NOTICE SUR BURNS

nussent les hommes comme lui. Mais une probité obstinée, et une irascibilité aveugle, indomptable, sont des défauts sans remède : aussi je suis né le fils d’un homme fort pauvre. Pendant les six ou sept premières années de ma vie, mon père fut le jardinier d’un digne petit propriétaire dans le voisinage d’Ayr. S’il était resté dans cette position, ma perspective était un petit emploi en sous-ordre dans quelque ferme des environs. Mais son vœu le plus cher était de garder ses enfants sous ses yeux jusqu’à ce qu’ils pussent discerner le bien du mal. Aussi, avec l’assistance de son généreux maître, mon père s’aventura à prendre à bail une petite ferme.

» À cette époque, je n’étais le favori de personne. J’avais une bonne mémoire, une santé robuste, et une piété de routine, comme un enfant que j’étais. Avec quelques coups de férule, mon maître d’école fit de moi un savant anglais, et, à dix ou douze ans, j’étais docteur ès substantifs, verbes et particules. Je dus aussi beaucoup, dans mon enfance, à une vieille femme qui demeurait avec nous, et qui était d’une ignorance, d’une crédulité et d’une superstition remarquables. Nul, dans le pays, n’avait une plus vaste collection de contes et de chansons sur les diables, les fées, les esprits, les sorcières, les magiciens, les feux follets, les lutins, les fantômes, les apparitions, les charmes, les géants, les dragons, etc. Non-seulement ses récits cultivèrent en moi les germes de la poésie, mais ils eurent un tel effet sur mon imagination, que même à présent, dans mes courses nocturnes, j’ai souvent, malgré moi, l’œil sur certains endroits suspects ; et, bien que personne ne soit plus sceptique en de telles matières, il me faut parfois un effort de philosonhie pour chasser ces vaines terreurs…

» Les deux premiers livres que je lus seul furent la Vie d’Annibal et l’Histoire de sir William Wallace. Jamais livres depuis ne m’ont fait ce plaisir. Annibal enflamma ma jeune imagination d’une ardeur militaire. Je mar-