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NOTICE SUR BURNS

l’auteur de Zelucco, d’Édouard, etc., depuis plusieurs mois j’ai couru le pays ; mais maintenant me voici retenu par une maladie de langueur qui, je suppose, a son siége dans l’estomac. Pour me distraire, il m’a pris la fantaisie de vous écrire ma propre histoire. Mon nom a fait quelque peu de bruit dans ce pays ; vous avez bien voulu vous intéresser à moi avec chaleur, et je pense qu’un récit sincère pourra vous amuser dans vos moments de désœuvrement. Car je vous assure, monsieur, que comme Salomon, à qui je crois ressembler quelquefois — à la sagesse près, mais c’est une bagatelle — comme lui, dis-je, j’ai tourné mes yeux pour contempler la démence et la folie, et comme lui j’ai trop souvent fraternisé avec elles…

» Je n’ai pas le moindre droit au titre de gentilhomme. L’hiver dernier, à Édimbourg, j’ai parcouru le livre de la noblesse, et j’y ai trouvé à peu près tous les noms du royaume ; mais quant à moi, mon sang ancien, mais obscur, s’est traîné jusqu’à moi de faquin en faquin depuis le déluge ; et gueules, pourpre et argent m’ont complétement désavoué.

» Mon père était du nord de l’Écosse. Il était fils d’un fermier qui louait les terres des nobles Keith de Marischal, et il eut l’honneur de partager leur sort. Je me sers ici du mot honneur sans l’appliquer à ses principes politiques. Loyal et déloyal sont pour moi des termes purement relatifs, le droit étant toujours au plus fort. Mais ceux qui vont au-devant de la ruine, et tendent la main à l’infamie pour ce qu’ils croient sincèrement être la cause de leur Dieu ou de leur roi, ceux-là sont, comme Marc-Antoine le dit, dans Shakspeare, de Brutus et Cassius, des hommes honorables.

» Mon père, après plusieurs années de vicissitudes, recueillit une assez bonne provision d’expérience ; et c’est à cela que je dois le peu de sagesse auquel je dois prétendre. Je n’ai pas rencontré beaucoup de gens qui con-