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POÉSIES DE BURNS.


» Le hardi Lapraik, ce roi des cœurs,
Quand le genre humain serait un jeu de cartes,
Vous vantera pour votre mérite
En termes si affectueux,
Et vous, vous négligerez de montrer vos talents,
Et de le remercier tendrement ! »

Je pris donc à l’instant du papier,
Et mon trognon de plume s’enfonça dans l’encre ;
Je me dis : « Avant que je ferme l’œil,
Je jure que je le remplirai ;
Et, si vous ne voulez pas me le mettre en cadence,
Par Jupiter, je Îc mettrai en prose : »

Je me suis donc mis à écrivailler, mais si
C’est en rime ou prose, ou tous deux ensemble,
Ou quelque salmigondis qui n’est vraiment ni l’un ni l’autre,
Que le temps le prouve ;
Mais je griffonnerai quelque niaiserie
Tout juste comme cela me viendra.

Mon digne ami, ne murmurez pas et ne critiquez pas,
Quoique la Fortune vous traite avec dureté ct rigueur ;
Allons, animez votre harpe des bruyères
Par un attouchement joyeux !
Ne vous inquiétez pas comment la Fortune voguc et tourne ;
Ce n’est qu’une chicnne.

Elle m’a porté bien des coups et des blessures,
Depuis que j’ai pu enfourcher un sillon ;
Mais, par le Seigneur ! quand je devrais mendier,
La tête grise,
Je rirai, et chanterai, et remuerai la jambe
Aussi long-temps que je pourrai !

Voici venir mon vingt-sixième été,
Que j’ai vu le bourgcon sur l’arbre,
Toujours persécuté par les filles
D’année en année ;
Mais pourtant, en dépit des émoustillantes commères,
Moi, Rob, je suis ici.

Enviez-vous aux gens de la cité
D’être étalés derrière un bureau et de mentir,
Ou fiers de leur bourse, enflés de cent pour cent,
Et avec un gros ventre,
Dons quelque petit bourg, de représenter
Un nom de bailli[1] ?

  1. Les corparations écossaises se composent d’un prévôt et de cinq
    baillis. (N. d. trad.)