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iv
NOTICE SUR BURNS

quelles angoisses. Il offrit de rester et de soutenir de son mieux sa femme et ses deux enfants jumeaux avec le produit de son travail journalier. On rejeta ses offres. Que faire ? Plier sous la nécessité, suivre son plan et s’embarquer pour la Jamaïque, au risque de trouver Jeanne mariée à son retour. Il s’y était résolu, lorsque la destinée voulut bien lui accorder quelque répit. Le succès qu’obtenaient ses poèmes, à Édimbourg, l’empêcha de partir. La poésie, qui doit tant à l’amour, voulut cette fois payer sa dette, — une fois n’est pas coutume ; — et, s’étant présenté de nouveau avec plus de réputation que d’argent, et quelques protections assez froides, près des impitoyables parents de sa chère Jeanne, Robert parvint à les attendrir, et obtint d’eux la permission d’épouser la mère de ses enfants, et de réparer le tort qu’il avait fait à l’honneur de leur fille.

Mais tout est malheur aux malheureux. Le mariage et la paternité, ces liens qui attachent les hommes à la vie, sont pour le pauvre autant de fardeaux sous lesquels il succombe. Dans des yeux adorés il voit se multiplier l’image de sa propre misère, et à chaque coup dont le frappe l’adversité, le sang jaillit de plus d’une blessure.

Ces réflexions, Burns dut les faire souvent dans l’amertume de son cœur, lorsque le sommeil fuyait ses membres fatigués, et qu’il roulait dans sa tête mille projets avortés de fortune, qui se dissipaient comme des brouillards au soleil de la réalité. Pauvre poète, c’est en vain que ta muse, à demi vêtue du tartan national, et couronnée de noisettes et de feuilles de houx, t’apparaît comme une fée bienfaisante qui doit, d’un coup de sa baguette, métamorphoser ta chaumière en palais ; tu mourras fermier comme tu as vécu, arrosant de sueurs une terre avare qui ne fournit pas aux besoins de ta famille, honorant une patrie ingrate qui te laissera expirer, à trente-huit ans, d’épuisement et de misère. Tu auras des lecteurs, d’oisifs visiteurs qui