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NOTICE SUR BURNS.

I.

Un vieillard, qui a assez souffert pour avoir le droit d’être optimiste, me disait dernièrement, à propos des infortunes des poètes et des vives et inutiles réclamations qu’elles ont soulevées de tout temps : « Lorsqu’un fait se reproduit continuellement dans tous les pays et à toutes les époques, ce fait a beau blesser nos sympathies, il est d’un esprit droit et équitable, avant d’accuser la Providence, de chercher la raison de cette injustice apparente, et d’en apprécier les compensations.

» Les poètes sont malheureux, dit-on ; et on s’étonne, et on s’indigne, et on déclame contre la destinée ! Mais il faut qu’ils soient malheureux ; voilà ce qu’on oublie. La poésie exige une sensibilité qui se blesse au moindre contact, et qui (ajoutons-le pour être juste) éprouve des jouissances inconnues aux natures plus grossières. C’est le double lot de toutes les organisations délicates et impressionnables. Seulement les poètes ont un dédommagement de plus : c’est d’occuper le public de leurs souffrances, et d’y puiser mille satisfactions d’amour-propre. Plus je réfléchis, plus je les trouve exigeants et mal fondés dans leurs plaintes, de vouloir le talent sans la douleur, l’effet sans la cause, d’aspirer tout ensemble à la gloire et au bonheur ; — surtout les poètes lyriques, qui sont le sujet de leurs chants. Heureux, qu’auraient-ils à nous dire ? Ne faut-il pas qu’ils pleurent pour nous intéresser ? La question serait éclaircic, je crois, si, au lieu de répéter que les