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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

Non loin se voyait la misérable, la désolante image de la Tristesse, pâle, maigre, consumée par la faim, les genoux gonflés, de longs ongles dépassant ses mains ; une affreuse humeur coulait de ses narines ; le sang dégouttait de ses joues sur la terre elle était là, à l’écart, farouche, grinçant des dents, les épaules couvertes de poussière, tout humide de larmes.

Prés de là s’élevait une ville, flanquée de grosses tours, et que fermaient, s’ajustant à leurs linteaux, sept portes d’or. Les habitants s’y livraient joyeusement aux jeux et à la danse. On y voyait sur un char une jeune vierge que sa famille menait à son époux, tandis qu’à l’entour s’élevait le chant d’hyménée, et que brûlaient d’éclatants flambeaux dans la main des esclaves : en avant marchaient des femmes, dans la fleur de la beauté, et derrière des troupes d’hommes dansant : les premières, qu’accompagnait la flûte sonore, faisaient sortir de leur bouche délicate un chant dont résonnait l’écho ; les autres formaient, aux accords de la lyre, d’aimables chœurs. Plus loin, quittant la table du festin, de jeunes convives se mettaient en marche au son de la flûte, les uns se livrant au plaisir du chant et de la danse, les autres folâtrant ensemble ; ce n’étaient que groupes joyeux sous la conduite de joueurs de flûte, et par toute la ville fêtes, chœurs et jeux. Hors des murs, on voyait des cavaliers courir, des laboureurs fendre le sein de la terre, leur tunique retroussée. Il y avait là un vaste champ, tout couvert de moissons : on coupait avec le tranchant de la faucille les blés murs, qui pliaient sous le poids des épis, riche présent de Cérès ; on les liait en javelles ; on aplanissait l’aire. Ailleurs, c’étaient des vendangeur, armés de la serpe et récoltant les raisins ; d’au-