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LA THÉOGONIE

redoutable Zeus. Là commencent la terre obscure, le noir Tartare, la mer stérile, le ciel étincelant ; là se touchent les sources, les limites : région affreuse, désolée, que détestent les dieux, gouffre immense et profond. Entré dans son enceinte, on ne pourrait, dans le cours d’une année entière, en atteindre l’extrémité ; on irait, on irait sans cesse, emporté çà et là par d’impétueux tourbillons. Au sein de ces étranges lieux, redoutés même des immortels, s’élève le triste palais de la Nuit, toujours enveloppé de sombres nuages. Devant se tient debout le fils de Japet, soutenant de sa tête et de ses mains, sans jamais se lasser, la voûte immense du ciel. Sur le large ciel d’airain se rencontrent et conversent ensemble le Jour et la Nuit. L’une sort lorsque entre l’autre, car jamais leur demeure ne les renferme ensemble. Tandis que l’une s’en élance pour commencer son cours autour de la terre, l’autre s’y retire pour y attendre le moment d’entrer ensemble dans la même carrière. C’est le Jour, portant la lumière aux mortels ; c’est la Nuit, la lugubre, la triste Nuit, menant avec elle le Sommeil, frère de la Mort.

Là ont leurs demeures le Sommeil et la Mort, ces enfants de la sombre Nuit, dieux puissants que jamais le brillant Hélios n’éclaire de ses rayons, soit qu’il monte dans les cieux, soit qu’il en descende. L’un est favorable aux humains ; il parcourt d’un vol paisible la terre, la vaste mer, pour leur verser ses doux présents. L’autre enferme dans sa poitrine une âme de bronze, un cœur d’airain ; on ne peut lui ravir celui des mortels qu’il a choisi pour victime ; c’est l’ennemi même des immortels.

Là aussi est le palais retentissant du dieu des

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