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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

audace. Par une dure loi relégué aux extrémités de la terre, non loin des harmonieuses Hespérides, Atlas soutient de sa tête et de ses infatigables mains la voûte immense du ciel. C’est le prudent Zeus qui lui assigna cette destinée. Le même dieu chargea d’indissolubles liens et enchaîna fortement à une colonne le rusé Prométhée ; il lui envoya un aigle aux ailes étendues, qui se repaissait de son foie immortel. Autant le monstre ailé en avait dévoré pendant le jour, autant il en renaissait pendant la nuit. Mais le fils de la belle Alcmène, le courageux Héraclès, délivra Prométhée de son bourreau et termina ses souffrances. Ainsi le permit le dieu qui règne au sommet de l’Olympe, afin que la gloire du héros thébain s’accrût encore sur cette terre, féconde nourrice des êtres. Il voulut honorer par cette nouvelle victoire son illustre fils et calma en sa faveur le courroux qu’il avait autrefois conçu contre Prométhée, parce que celui-ci avait osé entrer en lutte avec les conseils du puissant fils de Cronos. Dans le temps que se jugeait, à Mécone, la dispute des dieux et des hommes, Prométhée servit à Zeus, pour surprendre sa prudence, un bœuf immense dont il avait d’avance fait le partage : une part contenait, renfermées dans la peau de l’animal, la chair, les grasses entrailles : dans une autre les os artistement disposés étaient recouverts d’une graisse épaisse :

« Fils de Japet, le plus illustre des rois, s’écria le père des dieux et des hommes, cher Prométhée, tu as fait là un partage bien inégal. »

Ainsi parla, pour le railler, Zeus aux conseils éternels. Le rusé Prométhée lui répondit avec un léger sourire, l’esprit toujours occupé de son artifice :