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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

fiant dans l’inspiration des Muses, qui ne manquait point à leurs disciples. Il ne faut donc pas demander à son œuvre cette régularité de l’ensemble, cet étroit enchaînement des détails, en un mot cette rigueur logique de plan et d’exécution, qui est d’une autre époque. Moins encore il faut demander à l’auteur cette conscience claire et complète de la nature intime du sujet qu’il traite, du sens des mythes qu’il emploie, même de ceux qu’il invente, cette netteté, cette maturité de réflexion qui distingue le fond de sa forme, l’idée du fait, et qui crée avec préméditation des allégories et des fables.

La forme symbolique et mythique, qui présente les idées comme des personnes, les raconte comme des faits, et en construit, sous des histoires apparentes, des systèmes réels, était encore, à l’époque d’Hésiode, la forme même de l’esprit grec : est-il surprenant qu’il la garde et qu’il y ait foi ?

Voila pourquoi, lorsqu’il entreprit de donner aux Hellènes, dans le temps même où ils devenaient une nation, un corps de théologie national, il ne fit point un traité plus ou moins dogmatique, mais un poème, et un poème en récit, une épopée. Car, en fait de poésie, il n’y avait alors et il ne pouvait guère y avoir que l’épopée. Déjà, sans doute, avant lui, bien des essais de ce genre avaient été tentés par les Aèdes, dans les différentes contrées de la Grèce, mais partiels et incomplets.

Hésiode, qui résidait au vieux foyer de la poésie religieuse, qui était l’héritier des chan-