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POÉSIES DE SOLON

jusque-là on s’est bercé de vaines espérances. Celui qui est en proie à une maladie terrible songe au moment où il aura recouvré la santé. Un autre qui est lâche se croit brave ; un homme laid s’imagine qu’il est beau. Un malheureux, écrasé par la pauvreté, se figure posséder d’immenses richesses. Tous s’agitent de différentes façons : celui-ci risque sa vie en allant sur un frêle esquif, à travers la mer agitée par la fureur des vents, chercher des richesses qu’il rapportera dans sa maison. Un autre creuse la terre pour y planter des arbres, travaille toute l’année comme un mercenaire et prend plaisir à tracer des sillons. Un autre instruit dans les travaux chers à Minerve et à l’adroit Vulcain, gagne sa vie par l’industrie de ses mains. Un autre, disciple des Muses qui habitent l’Olympe, arrive à posséder une aimable sagesse. Un autre, par la grâce d’Apollon qui envoie au loin ses traits, est devenu prophète ; il sait longtemps à l’avance quels maux menacent les hommes et celui auquel des dieux seront favorables ; mais aucun présage ne peut empêcher ce qui est fixé par le destin et par les dieux. D’autres, médecins, sont instruits dans l’art de Péon et connaissent beaucoup de remèdes ; eux, non plus, ne peuvent réussir complètement ; souvent à une faible douleur succède une grave maladie ; personne ne peut la guérir par l’emploi des meilleurs remèdes, tandis que, par la simple imposition des mains, la santé est rendue à cet autre qui souffrait des douleurs les plus violentes. C’est le destin qui distribue aux hommes et leurs maux et leurs biens et ils ne peuvent éviter ce que veulent leur donner les dieux immortels. Nul de nos actes n’est exempt de danger ; personne ne sait, quand il