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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

les dieux immortels me donnent la félicité et que je mérite toujours l’estime des hommes ; accordez-moi d’être toujours doux pour mes amis, terrible pour mes ennemis, respecté des premiers, craint des seconds. Je désire avoir des richesses, mais je ne veux pas les posséder injustement, car le châtiment finit toujours par arriver. La fortune que donnent les dieux est solide de la base au sommet ; celle que les hommes se procurent par des crimes n’est pas acquise légitimement : produit d’actes injustes, elle cède avec peine à la main qui la prend et s’allie bientôt au malheur ; ce malheur est comme un incendie qui au début n’est presque rien et qui plus tard devient terrible. Ce que les mortels acquièrent par l’injustice ne dure pas. À la fin Jupiter fait tout disparaître ; c’est comme le vent du printemps qui, après avoir bouleversé jusqu’au fond les flots tumultueux de la mer et dévasté les riantes moissons de nos champs, chasse devant lui les nuages, remonte au ciel et rend au monde une sérénité admirable à voir ; le soleil couvre la campagne de ses rayons éclatantes et toutes les nuées ont disparu. Telle est, la vengeance de Jupiter et sa colère est plus prompte que celle des mortels. Quiconque a le cœur criminel ne peut lui échapper longtemps ; il est bientôt découvert. Celui-ci est puni tout de suite ; cet autre un peu plus tard. Si quelques-uns semblent d’abord échapper à leur destinée, elle finit par les atteindre ; la punition méritée par les pères retombe sur leurs enfants innocents ou sur leurs petits enfants. Pour nous, mortels, nous pensons ainsi : les bons et les méchants se valent ; chacun a cette opinion, jusqu’à ce que la souffrance se fasse sentir ; alors on se lamente, mais