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NOTICE SUR SOLON

Mais rien n’empêche qu’un homme de bien, un sage politique ne tienne à cet égard un juste milieu, et que sans rechercher des richesses superflues, il ne méprise pas celles qui sont nécessaires et qui suffisent.

Dans ce temps-là, dit Hésiode, aucun travail n’était regardé comme honteux ; aucun art ne mettait de différence entre les hommes. Le commerce surtout était honorable ; il ouvrait des communications utiles avec les nations étrangères, procurait des alliances avec les rois, et donnait une grande expérience. On a même vu des commerçants fonder de grandes villes. Ainsi Protus gagna l’amitié des Gaulois qui habitaient les bords du Rhône, et bâtit Marseille. Thalès et Hippocrate le mathématicien firent aussi le commerce ; et Platon vendit de l’huile en Égypte pour fournir aux frais de son voyage. On croit donc que la grande dépense que faisait Solon, sa vie délicate et sensuelle, la licence de ses poésies, où il parle des voluptés d’une manière si peu digne d’un sage, furent la suite de son négoce. Comme cette profession expose à de grands dangers, elle invite aussi à s’en dédommager par les plaisirs, et la bonne chère. Cependant on voit, dans ces vers, qu’il se mettait lui-même plutôt au nombre des pauvres que des riches :

« Beaucoup de gens méchants sont riches, beaucoup de gens honnêtes sont pauvres ; mais nous, nous ne préférons jamais la richesse à le vertu ; la vertu est immuable, les richesses vont de l’un à l’autre. »