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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

pas la vue du carnage, s’il ne brûle pas d’aborder l’ennemi. La valeur est ce qu’il y a de plus beau chez les hommes, c’est elle qui pare le mieux un jeune guerrier. C’est un grand bien pour l’État et pour tout le peuple, qu’un brave qui reste ferme aux premiers rangs et qui, sans jamais songer à une fuite honteuse, expose vaillamment sa vie et encourage son voisin à tomber avec gloire. Voilà l’homme utile à la guerre ; il met en fuite les ennemis aux phalanges redoutables, et c’est lui dont l’ardeur supporte tout l’effort de la bataille. Si, tombant au premier rang, le guerrier a rendu l’âme, il couvre de gloire sa ville, ses concitoyens, son père ; sa poitrine et son bouclier bombés sont couverts de blessures qu’il a toutes reçues par devant ; jeunes gens et vieillards le pleurent, et la ville est affligée d’un cuisant regret ; son tombeau et ses enfants sont renommés parmi les hommes, et les enfants de ses enfants et toute sa race ; sa gloire et son nom ne périssent pas et, quoique enseveli sous la terre, il demeure immortel. Tel est le sort qui attend le brave guerrier que l’impétueux Mars a fait périr pendant qu’il combattait pour sa terre et pour ses enfants. Mais s’il a eu le bonheur d’échapper au long sommeil de la mort, si, vainqueur, il emporte une noble réputation de vaillance, tous l’honorent, jeunes et vieux, et ce n’est qu’après qu’on lui a tout fait pour lui être agréable, qu’il descend dans les enfers. Dans sa vieillesse, il se distingue de tous ses concitoyens : par respect, par justice, nul ne songe à lui nuire ; chacun lui cède sa place pour lui faire honneur, les jeunes gens, ceux qui sont de son âge, ceux qui sont plus âgés. Efforcez-vous donc tous de parvenir à cette haute vertu et combattez vaillamment.