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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

toute autre circonstance peut-être, que Tyrtée ait été appelé ou envoyé de là à Sparte, dont il fut nommé citoyen pour prix de ses chants et de ses services. Suivant une légende bien des fois répétée, mais qui n’en est pas plus certaine, l’oracle de Delphes ayant ordonné aux Lacédémoniens, vivement pressés par Aristomène dans leur seconde guerre contre Messène, de demander un général aux Athéniens, ceux-ci, par dérision, leur dépêchèrent un maître d’école boîteux et peu sain d’esprit, qui pourtant sauva Sparte par ses conseils sinon par sa valeur. Ce n’est là, selon toute apparence, qu’un travestissement populaire ou une version intéressée d’un fait antique mal compris ou défiguré à plaisir par la jalousie des Athéniens. En effet, l’orateur Lycurgue, qui nous a conservé un des plus beaux morceaux de Tyrtée, nous met sur la voie de la vérité dans son Discours contre Léocrate (XXVIII, § 106). On y voit que le prétendu maître d’école était tout à la fois un homme d’État et un poète, pour qui des chants inspirés par la vertu guerrière portée jusqu’à l’enthousiasme furent un puissant moyen d’exciter les mêmes sentiments dans les âmes et de servir son pays d’adoption. Il chantait ses élégies en faisant soutenir sa voix par les sons de la flûte, et il apprit aux autres à les chanter : il en fit une partie essentielle de l’éducation de la jeunesse à Sparte, et les Spartiates portèrent une loi d’après laquelle, dans toute la suite du temps, quand leurs guerriers étaient en campagne, ils devaient se réunir devant la tente du roi pour entendre les poésies de