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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

Pour le grand nombre des hommes, il n’existe qu’une vertu, la richesse ; le reste n’est d’aucun avantage. En vain tu posséderais la sagesse si vantée de Rhadamante ; en vain tu en saurais plus long que Sisyphe, ce subtil fils d’Éole. Il sut revenir même de l’enfer, ayant, par ses discours décevants, gagné le cœur de Proserpine, qui fait goûter l’oubli aux mortels, qui altère leur raison. Nul encore n’avait imaginé pareille chose, de tous ceux qu’a enveloppés l’ombre du trépas, qui sont venus dans la demeure ténébreuse des morts, qui ont passé les noires portes par lesquelles est contenue dans sa prison la foule indocile des ombres. C’est pourtant de là que remonta vers le jour, grâce à son habileté, le héros Sisyphe. — C’est bien vainement aussi que tu saurais donner au mensonge l’apparence de la vérité, avec la langue éloquente du divin Nestor, que tu passerais en vitesse les agiles Harpyes, les fils de Borée, dont les pieds volent. Il faut bien que tous conviennent de cette vérité, qu’en toutes choses la richesse a la suprême puissance (699-718).

Ils sont également riches, celui qui possède beaucoup d’argent et d’or, ou des terres fertiles en blé, ou des chevaux, des mulets, et celui à qui un enfant ou une femme donnent les jouissances de l’amour. Lorsqu’est venue la saison de ces plaisirs, lorsque fleurit la jeunesse qui s’y prête, c’est alors que les mortels ont la richesse ; car toutes ces grandes richesses, nul ne les emporte avec lui dans la demeure de Pluton ; nul ne peut se racheter de la mort, se soustraire aux fâcheuses maladies, à la triste venue de la vieillesse (719-728).

Les pensées des hommes, qui s’attristent au