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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

aigrie par la pauvreté, irrité à la fois par les violences de ses adversaires et par les trahisons des siens. Il aime aussi à se représenter les jouissances perdues, qui autrefois étaient réservées à cette société particulière que formaient les nobles. Jeune, il les avait chantées dans des vers dont quelques-uns sont peut-être venus jusqu’à nous ; et l’on peut, en le lisant, se représenter dans quelques-uns de ses traits la vie élégante et voluptueuse des Doriens de Mégare, surtout les mœurs des banquets, qui, dans une ville enrichie par le commerce, avaient pris un tout autre caractère qu’à Sparte.

Théognis nous révèle dans sa patrie l’existence de vicissitudes et de périls dont l’histoire n’a gardé le souvenir. Il parle de la sottise du peuple amoureux d’un maître ; il signale le danger de voir « s’élever le chef de quelque faction funeste, qu’enfantera pour son châtiment l’insolente cité. » Il fut forcé de chercher un refuge dans l’exil. Accueilli par les Mégariens de Sicile qui lui accordèrent le titre de citoyen, peut-être resta-t-il chez eux jusqu’à la destruction de leur ville par Gélon en 483. On voit qu’il séjourna aussi à Sparte et en Eubée. C’est lui-même qui nous apprend ces détails sur son exil dans des les plaintes où s’exprime éloquemment le regret de la patrie. Le patriotisme, en effet, relève chez lui la passion politique ; on le sent aussi dans l’expression des craintes que lui inspirent soit la menace prochaine de la guerre contre les Perses, soit la mollesse de ses concitoyens, qui « les voiles blanches abaissées, marchent au hasard