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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

On ignore l’année de sa naissance. Il fleurissait vers 544 avant Jésus-Christ et vivait encore au temps de la première guerre Médique. Cet espace d’une cinquantaine d’années qu’enferment les limites connues de sa vie semble avoir été pour Mégare, sa patrie, une période de troubles et de révolutions. Dès 610 le régime aristocratique, qui dominait dans cette ville comme dans toutes les cités Doriennes, avait été violemment détruit par Théogène, le beau-père de l’Athénien Cylon. Grace à l’appui du peuple, il s’était emparé de la tyrannie. Renversé à son tour, sa chute avait été le signal d’une démocratie effrénée, dont le souvenir a été consacré dans l’histoire des lettres par la naissance de la comédie politique, forme particulière des représailles que le peuple exerça alors contre la dure oppression de la race conquérants. Des alternatives mal connues rendirent et retirèrent le pouvoir aux nobles, jusqu’à ce qu’enfin, vers le commencement de la guerre du Péloponnèse, le rétablissement durable de leur autorité dans des conditions plus douces et équitables procurât à leur pays un régime d’ordre et de calme qui faisait l’envie de Platon et d’Isocrate.

Théognis fut directement impliqué dans les agitations par lesquelles Mégare acheta cette tardive tranquillité, et c’est lui qui nous a laissé la preuve, pour ainsi dire vivante, des passions dont était animés les deux partis en lutte. Noble lui-même, il trouve les expressions les plus méprisantes qu’ait pu inventer l’orgueil de race, pour flétrir l’usurpation des vilains, ces êtres à