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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

mais si tu le fais, garde-toi de lui nuire le premier, et n’use jamais à son égard de mensonge même pour amuser ta langue. S’il commence et te provoque par quelque mot, quelque acte d’inimitié, ne manque pas de lui rendre deux fois la pareille. Que s’il revient et t’offre satisfaction, ne le repousse point. Malheureux est l’homme qui change souvent d’amis. Que ton aspect extérieur ne trahisse pas en toi une pensée mauvaise.

Crains qu’on ne t’accuse de recevoir trop d’hôtes, ou de n’en recevoir aucun. Évite de passer pour le compagnon des méchants, pour l’adversaire, le détracteur des gens de bien. N’aie jamais le cœur de reprocher à personne la funeste, la dévorante pauvreté, triste don des bienheureux immortels. C’est pour l’homme le plus grand des trésors qu’une langue ménagère de paroles ; c’est la première des grâces qu’une langue qui se modère. Qui parle mal des autres pourra bien entendre pis. Ne porte point une humeur morose dans ces repas nombreux où l’on se traite à frais communs ; tu y trouveras du plaisir sans trop de dépense.

Lorsque le matin tu répandras en l’honneur de Jupiter et des autres immortels des libations de vin pur, que ce ne soit point avant d’avoir lavé tes mains : autrement les dieux refuseraient de t’entendre et rejetteraient tes prières. Ne satisfais jamais aux nécessités de la nature, debout et en face du soleil. Lors même que cet astre est couché, garde-toi pour te soulager, de te tourner vers l’Orient, et, soit sur la route, soit à l’écart, ne le fais point en marchant et découvert : les nuits appartiennent aux dieux. Un homme religieux et modeste aura soin de se tenir accroupi