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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

dant la saison favorable, rassemblèrent de toutes les contrées de la divine Hellade, contre Troie aux belles femmes, une nombreuse armée. Je me rendais à Chalcis, aux jeux du vaillant Amphidamas. Des prix nombreux avaient été proposés par ses magnanimes enfants. J’y remportai, je puis le rappeler avec orgueil, celui du chant, un trépied à deux anses que je consacrai aux Muses, habitantes de l’Hélicon, le jour où, pour la première fois, elles m’élevèrent au rang des chantres harmonieux. C’est la seule expérience que j’aie faite des vaisseaux aux mille clous. Je ne t’en dirai pas moins la pensée de Jupiter, le maître de l’égide. Car les Muses m’ont instruit dans la science des chants divins.

Pendant les cinquante jours qui suivent le solstice d’été, lorsque touche à son terme l’accablante et laborieuse saison, il est de saison de naviguer. Tu ne risques pas alors de voir ton vaisseau brisé, tes matelots engloutis, si toutefois le dieu qui ébranle la terre, Neptune, ou si Jupiter, le roi des immortels, ne veut pas ta perte : car en leurs mains sont également et les biens et les maux. Alors les vents sont réguliers, la mer est calme et douce : ramène avec confiance au sein des eaux, ton vaisseau rapide et charge-le de marchandises. Mais fais diligence pour retourner au logis. N’attends pas le temps du vin nouveau, ces jours humides de l’automne, ces approches de l’hiver où le souffle impétueux du Notus soulève des flots, et, avec les torrents de pluie que verse Jupiter, rend la mer si difficile.

Il est encore au printemps des jours où l’homme peut naviguer. Lorsque, égales en grandeur tout au plus aux pas d’une corneille, des feuilles se montrent