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LES TRAVAUX ET LES JOURS

ne s’agira plus de fouir la vigne, mais d’aiguiser les faucilles et d’animer ses serviteurs. Fuis l’ombre de la maison et le sommeil du matin, au temps de la moisson, alors que le soleil brûle et dessèche la peau. À ce moment hâte-toi dès le point du jour de transporter dans ta demeure les fruits de la terre, pour assurer ta subsistance. À l’aurore appartient le tiers de l’ouvrage ; l’aurore est le signal du départ, le signal du travail ; l’aurore, dont la lumière invite les hommes à se mettre en route, et fait poser le joug sur le cou des taureaux.

Quand fleurit le chardon, quand, retirée dans le feuillage, agitant à grand bruit ses ailes, l’harmonieuse cigale se répand en accents pleins de douceur, dans ces jours les plus accablants de l’été (les chèvres sont plus grasses et le vin meilleur, les femmes ont plus d’ardeur au plaisir, les hommes au contraire moins de vigueur ; l’ardente canicule dessèche leur tête et leurs genoux, épuise, énerve leur corps), il faut alors le frais abri d’un antre, du vin de Biblos, des gâteaux de farine et de lait, du lait de chèvres qui n’allaitent plus, la chair de génisses nourries de feuillages, celle de tendres chevreaux. Quand on s’est rassasié de nourriture, il faut s’abreuver du vin noir, assis à l’ombre et le visage tourné vers la pure haleine de Zéphire. Puisant dans le courant d’une source pure et limpide, il faut mêler dans sa coupe trois parties d’eau, seulement une de vin.

Aussitôt que brillera l’astre d’Orion, tu commanderas à tes serviteurs de battre les fruits que t’aura donnés Cérès dans un lieu bien exposé, sur une aire bien aplanie, de les mesurer, de les enfermer ; puis, quand toute la récolte sera rentrée et rangée, tu t’oc-