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LES TRAVAUX ET LES JOURS

brebis, elle ne peut traverser leur épaisse toison. Le froid courbe le vieillard ; mais il ne se fait point sentir aux membres délicats de la jeune fille, retirée dans sa maison auprès de sa mère, vierge encore, étrangère aux jeux de la belle Vénus. Elle se réchauffe par des bains salutaires, elle répand sur son corps une huile parfumée, et repose doucement au fond de sa demeure, dans cette cruelle saison où le polype affamé se ronge les pieds, ne pouvant sortir de sa triste et froide retraite. Car le soleil ne lui montre pas encore de proie sur laquelle il puisse s’élancer. Cet astre roule sur la tête des noirs habitants de l’Éthiopie, et ne brille que plus tard aux yeux des Grecs. Alors les hôtes des bois, les animaux armés de cornes et ceux qui n’en ont point, frémissant, grinçant des dents, se pressent dans les étroits sentiers des forêts. Ils n’ont tous qu’un même soin : ils cherchent leur asile accoutumé, quelque repaire secret, quelque creux de rocher. Semblables au vieillard courbé sur un bâton, dont les épaules sont brisées, dont la tête penche vers la terre, les hommes fuient devant les tourbillons blanchissants de la neige.

Aie soin alors, je te le recommande, de mettre ton corps à l’abri sous un épais manteau, sous une longue tunique. Quant à l’étoffe, que la chaîne en soit rare, la trame au contraire fort épaisse. Ainsi couvert, tu éviteras que le poil de ta chair ne frissonne et ne se hérisse. Enferme tes pieds dans de bons souliers de peau de bœuf, bien doublés de chaussons de laine, de quelques peaux de jeunes chevreaux, cousues ensemble avec le nerf du bœuf, fais-toi, dans la froide saison, une couverture pour tes épaules, un rempart contre la pluie. Procure-toi aussi un bonnet de laine,