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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

dessous, alors le laboureur le moins actif sera favorisé à l’égal du plus diligent. (Conserve soigneusement en ta mémoire tous ces secrets ; sache prévoir le retour du printemps à la brillante lumière, reconnaître ses pluies favorables.)

Mais garde-toi de fréquenter les forges, les tièdes portiques chauffés par le soleil, tous ces lieux de réunion, dans la saison rigoureuse où le froid détourne du travail des champs. Dans cette saison même, un homme laborieux saurait accroître son bien-être. Crains, en ces jours mauvais de l’hiver, de te laisser surprendre par le besoin, par l’indigence, pressant de ta main amaigrie tes pieds gonflés. Celui qui se repose, dans une vaine attente, et cependant n’a pas de quoi se nourrir, doit souvent rouler en son esprit de fâcheuses pensées (et un esprit flatteur ne peut guère s’offrir à lui, lorsqu’il s’amuse à converser assis sous les portiques, et manque du nécessaire). Dis à tes serviteurs, dès le milieu de l’été : « L’été ne durera pas toujours ; faites-vous des retraites pour l’hiver. »

Il faut se garder du mois Lénæon, de ces jours mauvais, si funestes aux troupeaux ; de ces tristes frimas, qui se forment alors au souffle de Borée ; lorsque, soufflant du fond de la Thrace, cette terre nourricière des coursiers, il soulève la vaste mer, qu’il fait mugir la terre et les bois, que, dans son cours impétueux, il lance au fond des vallées des chênes altiers, les sapins touffus, et remplit de ses mugissements les forêts profondes. Les bêtes sauvages frissonnent ; elles ramènent sous leur ventre leur queue engourdie : celles même que protège une peau velue ne sont pas à l’abri du froid ; la bise pénètre leurs fourrures, perce le cuir du bœuf, les longs poils de la chèvre : pour les