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LE BOUCLIER D’HERCULE

de cette contrée, aussi respecté que puissant, tu le sais mieux que personne, toi, l’époux de sa fille, la belle Thémistoné aux yeux noirs. Mon ami, Mars ne te sauvera pas de la mort qui t’attend si nous en venons aux mains. Lui-même, sache-le, a déjà fait l’épreuve de ma lance, lorsque, près de la sablonneuse Pylos, il se mesura contre moi, dans son insatiable rage de combats. Trois fois, frappé sur son bouclier, il chancela et dut s’appuyer sur la terre. À la quatrième, rassemblant mes forces, je lui fis à la cuisse une profonde blessure, et du choc de ma lance il alla tomber dans la poussière, sans gloire désormais parmi les immortels et livrant à mes mains ses dépouilles sanglantes. »

Il dit, mais il n’obtient point du belliqueux Cycnus qu’il se détourne de sa route. Alors s’élancent à la fois, de leur char, et le fils de Jupiter et le fils de Mars. Près du lieu où ils doivent combattre se rangent, conduits par les deux écuyers, leurs coursiers à la belle crinière. Les pas des deux héros, qui se précipitent, ébranlent au loin la terre. Lorsque des derniers sommets d’une haute montagne tombent des rochers qui bondissent et s’entre-choquent, chênes altiers, pins et peupliers aux profondes racines, sont partout brisés sur leur passage, tandis qu’ils roulent avec impétuosité jusque dans la plaine. Ainsi se ruaient l’un contre l’autre Hercule et Cycnus, poussant de grands cris. La ville des Myrmidons tout entière, l’illustre Iolcos, Arné, Hélicé, Anthée aux gras pâturages, étaient remplies du bruit de leur voix et des étranges accents avec lesquels ils s’abordaient. Cependant Jupiter fait gronder son tonnerre et répand du haut du ciel une pluie de sang, présage de victoire qui doit accroître la confiance de son fils.