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céron l’image du jeune homme, qu’elle y resta toujours empreinte. Il ne le connaissait pas ; mais, le lendemain, comme il descendait au Champ de Mars, à l’heure où les enfants revenaient de leurs exercices, le premier qui s’offrit à lui fut le jeune César, tel qu’il l’avait vu dans le songe. Frappé de cette rencontre, il lui demanda le nom de ses parents. Son père s’appelait Octavius, homme d’une naissance peu illustre ; sa mère, Attia, était nièce de César, lequel, n’ayant point d’enfants, l’avait institué par testament héritier de sa maison et de ses biens.

On dit que, depuis cette aventure, Cicéron ne rencontrait jamais cet enfant sans lui parler avec amitié, et lui faire des caresses que le jeune César recevait avec plaisir ; d’ailleurs le hasard avait fait qu’il était né sous le consulat de Cicéron. Voilà les explications qu’on a données ; mais ce qui rattacha Cicéron à César, ce fut d’abord sa haine contre Antoine ; ensuite son caractère, qui ne savait point résister à l’appât des honneurs : il espérait faire servir au bien de la république la puissance de ce jeune homme, qui d’ailleurs faisait de son côté tout son possible pour s’insinuer dans l’amitié de Cicéron, et l’appelait même son père. Brutus, indigné de cette faiblesse, blâma énergiquement Cicéron, dans ses lettres à Atticus : Cicéron, suivant lui, en flattant César par la peur qu’il a d’Antoine, ne laisse aucun lieu de douter que ce qu’il cherche, ce n’est point à rendre libre sa patrie, mais à se donner à lui-même un maître doux et humain. Néanmoins Brutus prit avec lui le fils de Cicéron, qui suivait à Athènes les leçons des philosophes : il le chargea d’un commandement, et lui dut plusieurs de ses succès. La puissance de Cicéron dans Rome était alors dans tout son éclat : disposant de tout en maître, il chassa Antoine, souleva tous les esprits contre lui, et envoya les deux consuls Hirtius et Pansa pour lui faire la guerre. Enfin il persuada au Sénat ; d’accorder par un dé-