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lui avait donné ni une suite convenable, pour une route si longue, ni de quoi fournir à sa dépense comme il eût fallu ; elle avait enfin laissé la maison de Cicéron dans un entier dénûment, et chargée de plusieurs dettes considérables. Tels sont les prétextes les plus honnêtes qu’il donna de son divorce. Térentia niait qu’il y eût rien de vrai dans ces reproches ; et Cicéron lui-même, il faut l’avouer, lui donna un éclatant moyen de justification, en épousant, peu de temps après, une jeune fille[1], dont la beauté l’avait séduit, à ce que disait Térentia ; mais Tiron, affranchi de Cicéron, prétend qu’il la prit à cause de ses richesses, afin de payer ses dettes. Cette fille était en effet fort riche, et Cicéron tenait ses biens en fidéicommis par testament du père, pour les lui rendre à sa majorité ; mais, comme il devait des sommes considérables, il se laissa persuader par ses parents et ses amis de l’épouser, malgré la disproportion de l’âge, et d’employer la fortune de cette femme à se libérer envers ses créanciers. Antoine, dans ses discours en réponse aux Philippiques, parle de ce mariage, et dit que Cicéron a répudié une femme auprès de laquelle il avait vieilli : c’était du même coup railler finement la vie sédentaire qu’avait menée Cicéron, et le traiter d’homme sans énergie, et qui n’avait fait aucun service militaire.

Peu de temps après son mariage, il perdit sa fille Tullia, qui mourut en couches dans la maison de Lentulus[2], qu’elle avait épousé après la mort de Pison, son premier mari[3]. Les philosophes vinrent de tous côtés chez Cicéron pour le consoler ; mais il fut si amèrement affecté de ce malheur, qu’il alla jusqu’à répudier sa nouvelle femme, parce qu’il crut qu’elle s’était réjouie de la mort de Tullia.

  1. Publilia.
  2. Cornélius Lentulus Dolabella.
  3. Plutarque oublie un autre mari encore, Crassipès.