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discours de Cicéron est intitulé Caton, et celui de César Anti-Caton.

Quintus Ligarius ayant été mis en justice comme un de ceux qui avaient porté les armes contre César, Cicéron se chargea de sa défense. César, à ce que l’on conte, dit alors à ses amis : « Qui empêche que nous laissions parler Cicéron ? Il y a longtemps que nous ne l’avons entendu. Pour son client, c’est un méchant homme, c’est mon ennemi : il est jugé. » Mais Cicéron, dès les premiers mots de son discours, émut singulièrement César ; et, à mesure qu’il avançait dans sa cause, déployant toutes les ressources du pathétique, tout ce que l’éloquence a de séductions, on vit César changer souvent de couleur et rendre sensibles les diverses affections dont son âme était agitée. Enfin, quand l’orateur vint à toucher la bataille de Pharsale, César, hors de lui-même, tressaillit de tout son corps, et laissa tomber les papiers qu’il tenait à la main. Cicéron, vainqueur de la haine de César, emporta l’absolution de Ligarius[1].

La monarchie ayant remplacé la république, Cicéron abandonna dès lors les affaires, et donna tout son loisir aux jeunes gens qui voulaient s’appliquer à la philosophie : ils étaient tous des premières familles de Rome ; et Cicéron reconquit, par ses fréquentes relations avec eux, un très-grand crédit dans la ville. Son occupation ordinaire était de composer et de traduire des dialogues philosophiques, et de faire passer dans la langue romaine les termes de la dialectique ou de la physique : c’est lui, dit-on, qui a naturalisé le premier, ou du moins avec le plus de succès, chez les Romains, les mots grecs qui signifient imagination, assentiment, suspension de jugement, compréhension, atome, invisible, vide, et plusieurs autres semblables, en les expliquant ou par des

  1. Nous avons le discours de Cicéron.