Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cicéron, retenu par une maladie, n’avait pu se trouver à la bataille de Pharsale. Lorsque Pompée eut pris la fuite, Caton, qui avait à Dyrrachium une armée nombreuse et une flotte considérable, voulait que Cicéron prît le commandement des forces militaires, en vertu de la loi, comme ayant été revêtu de la dignité du consulat. Mais Cicéron refusa absolument cette charge, déclarant qu’il ne prendrait plus de part à la guerre. Ce refus pensa lui être fatal : le jeune Pompée et ses amis l’appelèrent traître, et allaient le percer de leurs épées, si Caton ne les eût arrêtés ; encore Caton eut-il bien de la peine à l’arracher de leurs mains, et à le faire sortir du camp. Cicéron se rendit à Brundusium, où il séjourna quelque temps, pour attendre César, que retenaient les affaires d’Asie et d’Égypte. Dès qu’il eut appris que César était débarqué à Tarente, et qu’il venait de là par terre à Brundusium, il courut au-devant de lui, ne désespérant pas trop d’en obtenir son pardon, honteux néanmoins d’avoir à faire, en présence de tant de monde, l’épreuve des dispositions d’un ennemi victorieux. Mais il n’eut rien à faire ou à dire de contraire à sa dignité. César ne l’eut pas plutôt vu venir à sa rencontre précédant d’assez loin ceux qui l’accompagnaient, qu’il descendit de cheval, l’embrassa, et marcha plusieurs stades en s’entretenant tête à tête avec lui. Il ne cessa depuis de lui donner des témoignages d’estime et d’amitié ; et, Cicéron ayant composé dans la suite un éloge de Caton, César, dans la réponse qu’il y fit, loua l’éloquence et la vie de Cicéron, qu’il compara à celles de Périclès et de Théramène[1]. Le

  1. Il y avait peut-être quelque malice dans cette comparaison. Théramène avait été, dit-on, surnommé Cothurne, parce qu’il changeait souvent de parti, comme un cothurne chausse indifféremment le pied droit et le pied gauche. Du reste, Théramène est un des hommes d’État que Cicéron admirait le plus.