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Cicéron, dans ces circonstances, semblait moins tenir à sa timidité qu’à son affection pour ses clients.

Il fut reçu dans le collège des prêtres que les Romains appellent augures, à la place de Crassus le jeune, qui avait été tué chez les Parthes ; puis, la Cilicie lui étant échue par le sort dans le partage des provinces, avec une armée de douze mille hommes de pied et de deux mille six cents chevaux, il s’embarqua pour s’y rendre. Il avait aussi la commission de réconcilier les Cappadociens avec le roi Ariobarzane, et de les ramener à l’obéissance. Il en vint à bout, sans donner lieu à aucune plainte, et sans recourir aux armes. Les désastres qu’avaient essuyés les Romains dans le pays des Parthes et les mouvements de la Syrie ayant donné aux Ciliciens quelque envie de se révolter, il les calma et les contint par la douceur de son gouvernement : il refusa tous les présents, même ceux que les rois lui offraient, et fit remise à la province de la dépense qu’elle était obligée de faire pour les festins des gouverneurs. Il recevait lui-même à sa table les gens dont le commerce avait quelque agrément, et les traitait sans magnificence, mais avec libéralité. Sa maison n’avait point de portier, et jamais on ne le trouvait dans son lit : il se levait de très-grand matin, et se promenait devant sa chambre, accueillant gracieusement ceux qui venaient le saluer. Jamais, par son ordre, personne ne fut battu de verges ni n’eut sa robe déchirée[1] ; jamais, même dans la colère, il ne dit une parole offensante, ou n’ajouta aux amendes qu’il prononçait des qualifications outrageantes. Les revenus publics avaient été dilapidés : il enrichit les villes en leur faisant recouvrer ce qu’elles avaient perdu ; et, sans frapper d’ignominie les prévaricateurs, il se contenta de

  1. Sorte de punition très-ancienne, et qu’on trouve pratiquée chez les Ammonites dès le temps de David.